Frère Loup

Publié le par Laurageai

Les gens doués d'une véritable vie spirituelle ne font pas violence à la nature. Ils respectent tout ce qui vit, et les êtres vivants, hormis certains de leurs semblables, le sentent, les respectent et les aiment. Ainsi de ce moine qui fraternise avec un loup. "Frère Loup" disait saint François d'Assise. "Nos frères cadets les animaux", disait le poète Essénine. Saint Silouane plaignait une mouche écrasée. Il regardait d'un oeil sévère et consterné son disciple faucher sans utilité, machinalement, d'un coup de baguette, les orties du bord du chemin. Celui qui se complaît dans la violence et le meurtre et traite les autres formes de vie avec négligence et cruauté est loin de Dieu, quelle que soit la religion qu'il affecte d'avoir. Car si tous les êtres vivants sont soumis à la loi naturelle, le jour où l'amour et la compassion, la reconnaissance et le respect la leur font dépasser, ils trouvent dans cette trève un grand bonheur, peut-être leur raison d'être, peut-être le rachat de la souffrance abyssale qui coexiste, en notre monde, avec son indescriptible, mystérieuse beauté. J'aime à croire que le loup et le moine se retrouveront ensemble par delà les étoiles, et avec ce loup, l'ensemble des loups, tous ceux qui ont eu, au cours des siècles, la vie si rude. Nobles loups, nobles tribus de chasseurs que nous avons calomniés et persécutés et qui ne tuaient, eux, que pour survivre. A ceux qui reprochent à la religion d'avoir favorisé chez l'homme occidental le sentiment qu'il pouvait tout se permettre à l'égard de la nature, je dirai qu'il y trouva peut-être un alibi en en déformant le message, ce qui est un procédé courant chez les méchants et les rapaces, de quelque civilisation qu'ils soient. Car celui qui prie n'offense personne, ni le loup, ni l'agneau, ni l'ortie sauvage. Tout au plus prélève-t-il des proies pour les manger. Et lors des carêmes, il s'abstient de viande, il s'efforce, pendant ces périodes consacrées au recueillement et au repentir, d'échapper quelques temps à la loi de l'entredévoration générale à laquelle nous sommes tous soumis. 

Publié dans nos frères cadets

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